Le Tribunal de Grande Instance d’AGEN vient de se prononcer sur une affaire susceptible de donner des sueurs froides à certains acquéreurs d’un bien immobilier qui se rétractent après avoir signé le compromis de vente, mais dont les acquéreurs n’entendent pas en rester là et demandent en justice que soit constatée la vente.
Les clients de Maître Gilles HAMADACHE, qui avaient signé le compromis de vente, avaient ensuite demandé sa résolution au motif que les vendeurs n’avaient pas correctement accompli leur obligation de délivrance.
La particularité de cette affaire réside dans le fait que l’un des vendeurs étant en liquidation judiciaire, la vente avait due préalablement être autorisée par le Juge commissaire (un juge du tribunal de commerce) à la demande du mandataire liquidateur qui représentait la personne liquidée.
Suite au refus des acquéreurs de réitérer la vente, le liquidateur les avait donc vainement mis en demeure de se présenter devant un notaire pour réitérer la vente, puis les avait assignés devant le tribunal en constatation de la vente (ainsi que la jurisprudence l’autorise à le faire sous certaines conditions).
Maître HAMADACHE rétorquait alors pour ses clients acquéreurs que la demande du liquidateur / vendeur était irrecevable au motif que celui-ci n’avait pas saisi le tribunal dans le délai d’un mois suivant soit le refus des acquéreurs de réitérer la vente, soit l’établissement par le notaire d’un procès-verbal de difficultés.
En effet, il est d’usage que les notaires insèrent dans leurs compromis de vente une clause aux termes de laquelle, en cas de refus injustifié de la part de l’une des parties de réitérer la vente, l’autre partie pourra saisir le tribunal en constatation de la vente dans le délai d’un mois suivant ce refus.
Le liquidateur n’ayant pas respecté ce délai d’un mois, il n’était donc pas recevable à formuler cette demande selon Maître HAMADACHE.
Le liquidateur opposait à cette argumentation le caractère parfait de la vente dès la décision du Juge commissaire l’ayant autorisée (jurisprudence constante).
Il opposait également le caractère illicite de la clause contractuelle l’obligeant à saisir le tribunal dans le délai d’un mois, et considérait même qu’elle était contraire à la convention européenne des droits de l’homme.
Le Tribunal, dans sa décision du 17 décembre 2019, a finalement donné raison aux acquéreurs en jugeant, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que « Cette clause s’analyse en une fin de non-recevoir conventionnelle rendant irrecevable la saisine de la juridiction afin de faire constater la vente par décision de justice, postérieurement au délai d’un mois à compter de la constatation du refus de Monsieur X et de Madame Y de signer l’acte authentique de vente. »
Au préalable, reprenant l’argumentation développée par Maître HAMADACHE, le Tribunal avait jugé que « le caractère supposé parfait de la vente du fait d’une ordonnance irrévocable du Juge commissaire n’annihile pas toutes les clauses contractuelles contenues dans le compromis de vente », par hypothèse conclu postérieurement à l’autorisation du Juge commissaire.
C’est sur ce dernier point bien particulier que réside l’essentiel de l’apport de cette décision qui, à la connaissance du cabinet de Maître HAMADACHE, est la première à avoir tranché aussi clairement cette question de la prééminence d’une clause d’un compromis de vente sur la décision irrévocable d’un Juge commissaire ayant antérieurement autorisé cette même vente.
C’est donc une belle victoire pour les acquéreurs, mais attention: le jugement est à ce jour encore susceptible d’appel.