Le 18 septembre 2023, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a changé de président, puisque c’est désormais une présidente, à savoir Madame Carole Champalaune, qui est à cette fonction.
Entre ce changement à la tête de la première chambre civile, et une évolution – pour ne pas dire un revirement – de la jurisprudence de la Cour de cassation dans un sens très favorable pour les consommateurs via deux arrêts rendus le 20 décembre 2023, il n’y a qu’un pas à faire que nous ferons volontiers !
La Cour de cassation aurait-t-elle en effet décidé de mettre fin à sa jurisprudence particulièrement hostile aux consommateurs escroqués dans les dossiers de vente de panneaux photovoltaïques, et débutée par un arrêt du 11 mars 2020 ? Osons y croire…
Plusieurs points ont en effet été jugés en décembre dernier, et il convient de les relater ci-après :
- Le consommateur réclamait la nullité du contrat au motif que celui-ci ne faisait pas apparaître les caractéristiques essentielles du bien vendu, contrairement à ce que prescrit le Code de la consommation. Au soutien de sa thèse, il avançait que les caractéristiques du kit photovoltaïque étaient illisibles et que la puissance du micro-onduleur n’apparaissait pas, et avait été suivi en ce sens par la cour d’appel. La Cour de cassation confirme la nullité du contrat, considérant que les mentions figurant sur le bon de commande ne satisfaisaient pas à la compréhensibilité imposée par le Code de la consommation, faute d’informer l’acquéreur sur la production d’électricité de l’installation.
- Le vendeur de panneaux soutenait que les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service figuraient dans un document annexé au bon de commande ; que dès lors, l’obligation faite au professionnel d’informer le consommateur sur ces caractéristiques essentiels du bien avait été satisfaite en l’espèce. La Cour de cassation lui donne tort, considérant que les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ne peuvent figurer sur des documents annexes au contrat qui ne sont pas signés par toutes les parties.
- Très important également : le bon de commande comportait en l’espèce une erreur sur le point de départ du délai de rétractation légal de 14 jours dont dispose le consommateur. La cour d’appel considérait que cette erreur emportait la nullité du contrat. Le vendeur s’y opposait, faisant valoir que le Code de la consommation prévoit, dans cette hypothèse, non pas la nullité du contrat, mais le prolongement du délai de rétractation de douze mois. Ici encore, et c’est là une information majeure, la Cour de cassation ne valide pas la thèse du vendeur professionnel : elle considère que la prolongation du délai de rétractation n’est pas exclusive de la possibilité, pour le consommateur, de demander la nullité du contrat.
- Une autre information majeure : la Cour de cassation avait antérieurement considéré que les irrégularités affectant le bon de commande étaient couvertes d’une part par la présence de la reproduction, dans le contrat, des articles du Code de la consommation relatifs au démarchage à domicile, la Cour de cassation en déduisant que le consommateur était supposé avoir été informé de ses droits malgré les irrégularités en question, d’autre part, si le consommateur avait accepté la livraison et la pose des panneaux commandés, avait payé les mensualités du crédit affecté, et avait accepté que les panneaux soient raccordés au réseau par ENEDIS, ces agissements permettant, selon la Cour de cassation, de démontrer une volonté tacite du consommateur de poursuivre le contrat conclu malgré ses irrégularités. Il semblerait aujourd’hui qu’elle tempère a minima cette jurisprudence antérieure, en décidant désormais que si le contrat ne mentionne pas l’article L. 121-18-1 alinéa 1er du Code de la consommation, lequel prévoit la nullité du contrat en cas de manquement aux obligations d’informations, alors l’absence ultérieure d’opposition du consommateur à la poursuite du contrat ne peut être assimilée à une volonté tacite de sa part de renoncer à se prévaloir de ladite nullité.
Dans le second arrêt du même jour, la première chambre civile vient également préciser sa jurisprudence antérieure concernant la sanction applicable à l’irrespect de l’article L. 111-1 du Code de la consommation instituant une obligation d’information précontractuelle à la charge du professionnel et en faveur du consommateur.
Auparavant, la Cour de cassation jugeait que même si cet article était d’ordre public, sa violation par le professionnel ne pouvait entrainer la nullité du contrat qu’à la condition que le consommateur démontre avoir eu son consentement vicié lors de la conclusion du contrat.
Par ce nouvel arrêt, elle vient préciser désormais que si la violation par le professionnel de son obligation d’information précontractuelle porte sur une caractéristique essentielle du produit ou du service, alors le consommateur est fondé à demander et obtenir la nullité du contrat, celle-ci étant acquise en quelque sorte de manière automatique.
Il s’agit-là d’avancées majeures au bénéfice de la défense des consommateurs, que l’on peut mettre au crédit de la nouvelle présidente de la première chambre civile. Reste toutefois à savoir si cette sévérité envers les professionnels s’étendra également aux organismes de crédit qui financent ces installations photovoltaïques, ce qui serait une bonne chose…
La jurisprudence de la Cour de cassation est donc à surveiller dans les prochains mois, particulièrement dans ce domaine.
La suite dans un prochain numéro !
Gilles HAMADACHE