La pression montait depuis quelque temps sur l’ensemble des juridictions en général, et sur la Cour de cassation en particulier, face aux nombreuses arnaques aux faux conseiller bancaire, arnaques de plus en plus sophistiquées.
En effet, les escrocs vous appellent désormais en se faisant passer pour un conseiller de votre banque, ce qui a toujours été le cas, mais c’est le numéro de votre banque qui s’affiche sur votre téléphone !
C’est ce que l’on appelle la pratique du « spoofing ».
Votre vigilance étant nécessairement diminuée en voyant le nom de votre banque qui s’affiche sur votre téléphone, vous êtes naturellement plus enclin à exécuter les démarches que vous dicte alors votre interlocuteur…
Les banques refusent systématiquement, dans cette hypothèse, de rembourser à leurs clients les sommes frauduleusement détournées, invoquant une négligence grave de ceux-ci, lesquels ne sont pas censés communiquer à un inconnu leurs codes bancaires ou autres informations personnelles permettant la validation d’opérations bancaires.
Et force est de constater que ce discours des banques est suivi par de nombreuses juridictions.
Mais par une décision de ce jour, mercredi 23 décembre 2024, la Cour de cassation vient de porter un coup d’arrêt à cette défense des banques.
La plus haute cour vient en effet de juger que :
« Après avoir exactement énoncé qu’il incombe au prestataire de services de paiement de rapporter la preuve d’une négligence grave de son client, l’arrêt constate que le numéro d’appel apparaissant sur le téléphone portable de M. [J] s’était affiché comme étant celui de Mme [Y], sa conseillère BNP et retient qu’il croyait être en relation avec une salariée de la banque lors du réenregistrement et nouvelle validation qu’elle sollicitait de bénéficiaires de virement sur son compte qu’il connaissait et qu’il a cru valider l’opération litigieuse sur son application dont la banque assurait qu’il s’agissait d’une opération sécurisée. Il ajoute que le mode opératoire par l’utilisation du « spoofing » a mis M. [J] en confiance et a diminué sa vigilance, inférieure, face à un appel téléphonique émanant prétendument de sa banque pour lui faire part du piratage de son compte, à celle d’une personne réceptionnant un courriel, laquelle aurait pu disposer de davantage de temps pour s’apercevoir d’éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse.
6. De ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu déduire que la négligence grave de M. [J] n’était pas caractérisée. »
Le client n’est donc plus considéré comme ayant commis une négligence grave pour avoir suivi les conseils d’un inconnu, dès lors que cet inconnu se fait passer pour un conseiller de sa banque et que le numéro de téléphone de celle-ci s’affiche sur le téléphone du client.
A noter que la solution ne serait sans doute pas la même si le client était piégé par un e-mail, la Cour de cassation considérant en effet que, dans cette hypothèse, le client dispose du temps nécessaire lui permettant de « s’apercevoir d’éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse ».
Il s’agit là d’une excellente décision en faveur des consommateurs victimes d’arnaques au faux conseiller.
Gilles HAMADACHE