A l’approche de l’élection présidentielle, les discours sécuritaires se multiplient.
La justice pénale est une nouvelle fois mise en exergue: il manque des magistrats, des procureurs, des greffiers, des enquêteurs…
Mais s’agissant des difficultés structurelles de la justice civile, pas un mot.
Pourtant, ce n’est là pas un scoop que de constater qu’elle aussi est dans le rouge, depuis longtemps. Là aussi il manque des magistrats et des greffiers. Mais le politique s’en fiche: ce n’est pas un enjeu électoral.
C’est un tort: qui n’a pas expérimenté un jour dans sa vie la justice civile, dans le cadre d’un contentieux commercial ou salarial, d’un conflit de voisinage, d’un divorce, d’une succession, ou suite à un dommage corporel? Qui n’a pas, un jour, perdu foi en la justice devant le manque d’écoute de certains magistrats, devant la longueur des procédures judiciaires, ou devant un jugement contestable en droit ou insuffisamment motivé pour pouvoir convaincre?
Dès 2019, consécutivement à sa nomination en qualité de Première Présidente à la Cour de cassation, Madame Chantal ARENS tirait la sonnette d’alarme, en rappelant que la justice civile représentait 55% du contentieux des tribunaux. Madame ARENS s’inquiétait du prisme des jeunes magistrats en faveur du pénal, et de la situation en générale. En particulier, elle rappelait que la collégialité avait beaucoup reculé en quinze ans dans le fonctionnement des juridictions. Elle soulignait pourtant que cette collégialité est un facteur de qualité de la justice. Enfin, elle indiquait que « nous avons trop d’affaires par rapport au nombre de magistrats et de fonctionnaires de justice. Donc, soit on limite le champ d’intervention du juge, soit on augmente les effectifs. »
La qualité de la justice civile s’est beaucoup dégradée au fil des années, notamment en raison du manque de magistrats qui, comme rappelé par Madame ARENS, se retrouvent souvent seuls devant des dossiers parfois complexes, simplement parce qu’il faut dégager du temps aux autres magistrats afin que ceux-ci traitent d’autres dossiers… Madame ARENS se plaignait également de l’absence de spécialisation des magistrats, alors que les avocats, eux, sont de plus en plus spécialisés.
L’amélioration de la qualité de cette justice civile est primordiale, si l’on veut éviter que ne s’installe davantage dans l’esprit du justiciable un sentiment d’injustice permanent. Car du sentiment d’injustice aux thèses complotistes, il n’y a qu’un pas aisément franchissable.
Espérons donc que, dans le cadre de la période électorale qui s’ouvre, les acteurs de la justice civile seront en capacité de faire entendre leur voix et d’obtenir des résultats.
On peut toujours rêver.
Maître Gilles HAMADACHE