Le temps de déplacement des salariés itinérants entre leur domicile et les premier et dernier clients doit-il être comptabilisé comme du temps de travail effectif et donner donc lieu à rémunération ?
C’est à cette question que la Cour de cassation vient de répondre par une décision du 23 novembre dernier, opérant par la même occasion un revirement de jurisprudence remarqué.
Jusqu’à ce jour en effet, la Cour de cassation faisait une application littérale et donc assez claire des règles applicables en la matière et figurant à l’article L. 3121-4 du Code du travail, lequel dispose :
« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire. »
Pour les salariés itinérants, c’est-à-dire exerçant leur mission essentiellement en clientèle, amenés à se déplacer très souvent, et pouvant ne pas rentrer régulièrement le soir à leur domicile, la règle applicable était jusqu’alors celle du second alinéa de l’article précité : le temps de déplacement domicile – travail n’était pas considéré comme du temps de travail effectif, et s’il dépassait le temps normal de trajet, il faisait l’objet d’une compensation financière ou sous forme de repos.
Rappelons que le temps de travail effectif est le temps durant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Cela a pour conséquence que le temps de travail effectif est comptabilisé pour établir la durée du travail du salarié (incluant donc des heures supplémentaires le cas échéant), et la rémunération qui en résulte.
Sous l’influence du droit européen, la Cour de cassation vient donc de changer de position.
Pour cette dernière désormais, si le salarié itinérant justifie que durant son temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients il est à la disposition de son employeur, alors ce temps de trajet ou de déplacement constitue du temps de travail effectif, lequel doit donc être rémunéré comme il se doit et non plus seulement via une compensation.
Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, la Cour de cassation observe que « le salarié, qui soutenait, sans être contredit sur ce point par l’employeur, qu’il devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens, exerçait des fonctions de »technico-commercial » itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l’entreprise répartis sur sept départements du Grand Ouest éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pourvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées. »
Elle en déduit donc, conformément à sa nouvelle jurisprudence, que le temps de trajet entre le domicile du salarié et ses premier et dernier clients devait être comptabilisé comme du temps de travail effectif.
Gilles HAMADACHE