Il y a des revirements de jurisprudence qui sont les bienvenus.
L’on a en effet amplement critiqué, sur ce site, le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation du 11 mars 2020 en matière d’arnaques au photovoltaïque, revirement en complète défaveur du consommateur emprunteur.
Mais le revirement de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 8 décembre 2021 relatif au délai de prescription applicable à la garantie des vices cachés constitue indéniablement une excellente nouvelle (excepté pour les vendeurs…).
Une petite explication s’impose.
En matière de garantie des vices cachés, l’action de l’acheteur contre le vendeur se prescrit par deux ans à compter de la découverte du vice. Le point de départ fluctuant de ce délai de prescription de deux ans ne peut avoir toutefois pour effet de porter le délai de prescription au-delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit.
Etant précisé que le jour de la naissance du droit peut être traduit tout simplement par le jour où le contrat de vente a été conclu entre le vendeur et l’acheteur.
L’on a donc, pour résumer, un délai de prescription assez court de deux ans durant lequel l’acheteur doit agir en justice contre le vendeur, mais le point de départ de ce délai est mouvant, puisqu’il correspond à la date de la découverte du vice seulement, et non à la date de conclusion du contrat. Au-delà de 20 ans à compter de la conclusion du contrat, il n’y a toutefois plus de possibilité d’agir contre le vendeur en garantie contre les vices cachés, même si le vice caché est découvert par l’acheteur au-delà ce délai de 20 ans.
Depuis très longtemps, et malgré ce qui précède, la Cour de cassation jugeait que l’acheteur ne pouvait agir contre son vendeur au-delà du délai de prescription de droit commun, soit actuellement 5 ans à compter de la conclusion du contrat.
Cela signifiait donc que, malgré la fluctuation du point de départ du délai de deux ans précité, l’acheteur ne pouvait pas agir contre son vendeur au-delà de 5 années à compter de la conclusion du contrat. Ce délai était toutefois souvent trop court pour l’acheteur, surtout lorsque celui-ci découvrait tardivement l’existence du vice caché.
C’est précisément ce à quoi la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient de mettre fin.
Elle vient en effet de juger que les délais applicables à la prescription de l’action en garantie des vices cachés étaient seulement celui de deux ans (dont le point de départ est fluctuant) et celui, butoir, de 20 ans. Le délai de prescription de droit commun de 5 ans n’a donc plus sa place en matière de vices cachés… pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation.
A notre connaissance, il s’agit là de la première décision de la Cour de cassation en ce sens: c’est donc ce que l’on appelle un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation jugeant désormais l’inverse de ce qu’elle jugeait jusqu’alors.
La troisième chambre civile sera-t-elle suivie par les autres chambres de la cour? Nul ne le sait à ce stade, mais il faut l’espérer.
Car tout ce qui a pour effet de permettre aux justiciables de faire valoir leurs droits en justice sans limite de temps ni autres obstacles purement artificiels est une bonne chose.