La Cour de cassation a encore une fois opéré un revirement de jurisprudence par son arrêt du 21 mars 2024 sur le régime de garantie des éléments d’équipement dans le domaine du droit de la construction.
Elle considère dorénavant que les éléments d’équipement installés sur un bâtiment existant ne relèvent ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, ce quel que soit le degré de gravité des désordres, mais uniquement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Quels sont les éléments d’équipement concernés ? Pour rappel, les éléments d’équipement sont les aménagements et installations accessoires à un immeuble, et qui sont destinés à fonctionner (par opposition à des biens inertes comme un revêtement de sol) : chauffe-eau, climatiseur, chaudière, pompe à chaleur, insert…
Cette jurisprudence concerne les éléments d’équipement dissociables, c’est-à-dire, ceux que l’on peut enlever, remplacer, démonter sans détériorer le bâtiment qu’ils équipent, et qui n’ont pas été posés lors de la construction de l’immeuble, mais ultérieurement, soit pour remplacer un équipement défectueux, soit pour ajouter un équipement.
Il en est ainsi à titre d’exemple de l’installation d’une pompe à chaleur ou d’un insert sur une maison qui est déjà construite.
Quelle était la situation antérieure ? Depuis le 15 juin 2017, opérant un premier revirement, la Cour de cassation avait décidé que tous les dommages relevaient de la responsabilité décennale, qu’ils affectent des éléments d’équipement dissociables ou non, d’origine ou déjà installés sur ouvrage existant, dès lors qu’ils rendaient l’ouvrage existant dans son ensemble impropre à sa destination.
Il n’y avait donc pas lieu de vérifier si l’élément d’équipement pouvait être enlevé sans détériorer la construction, ni de distinguer s’il avait été posé lors de la construction de l’ouvrage existant ou postérieurement. Le seul critère était celui de la gravité des désordres : dès lors que l’immeuble ne pouvait pas être utilisé normalement, la responsabilité décennale était engagée.
Ainsi, l’insuffisance de chauffage ou un risque pour la sécurité des personnes permettait de considérer que la responsabilité décennale de l’installateur d’une pompe à chaleur était engagée, peu important que la pompe à chaleur ait installée bien après la construction de l’immeuble.
Qu’est-ce qui change ? Désormais, si les désordres concernent un élément d’équipement posé après la construction d’un immeuble, seule la responsabilité contractuelle de droit commun de l’installateur peut être engagée.
Cela signifie :
- Qu’il faut rapporter la preuve d’une faute de l’entrepreneur, ce qui n’était pas le cas auparavant.
- Que l’installateur n’aura pas d’assurance obligatoire. En cas de souscription d’une assurance facultative, celle-ci ne garantira pas l’élément d’équipement en lui-même s’il fonctionne mal (par exemple le prix de la chaudière ou le montant des travaux de réfection de la pose d’un insert dangereux), mais seulement, au mieux, selon le contrat d’assurance, les éventuelles conséquences sur l’ouvrage existant ou sur les personnes (par exemple, un incendie détruisant l’immeuble, ou le préjudice corporel d’une personne blessée par la chute d’un chauffe-eau).
Seul l’installateur donc devra indemniser son client si sa responsabilité est engagée.
En l’absence d’assurance obligatoire garantissant les désordres apparus postérieurement à la réception des travaux, le maître de l’ouvrage (c’est-à-dire le client) ne sera donc pas indemnisé pour la réparation ou le remplacement de l’élément d’équipement défectueux si l’installateur est insolvable. Hypothèse, hélas, fréquente.
Sans assurance obligatoire, il convient donc de redoubler de vigilance en choisissant l’entrepreneur qui réalisera vos travaux d’installation d’un élément d’équipement.
Sophie CARNUS.