Les super pouvoirs de la clause abusive

Le 11 juillet dernier, la Cour de cassation a rendu un avis très intéressant sur l’influence des clauses abusives dans le procès, et en particulier une fois que le tribunal a rendu sa décision de manière définitive.

Mais auparavant, un petit rappel du droit positif s’impose.

L’on sait que, lorsqu’une décision judiciaire devient définitive, c’est-à-dire qu’elle ne peut plus être frappée d’aucun recours, alors elle doit être exécutée par la partie qui a perdu le procès.

L’exécution peut se faire spontanément, ou de manière forcée.

L’exécution forcée d’une décision de justice consiste en pratique à demander à un commissaire de justice (nouveau nom des huissiers de justice) de procéder à une saisie de sommes figurant sur le compte bancaire de la partie perdante, à une saisie de ses biens meubles (voiture ou autres), ou enfin à une saisie immobilière, c’est-à-dire sur le bien immobilier du débiteur.

Lorsque la saisie est pratiquée, celui qui subit cette saisie peut la contester devant un juge : le juge de l’exécution.

Ce juge de l’exécution valide ou non la saisie, en se fondant sur les règles du code des procédures civiles d’exécution. Il peut par exemple invalider une saisie si la procédure prescrite par le code des procédures civiles d’exécution n’a pas été respectée.

Si le juge de l’exécution peut interpréter le jugement définitif de son confrère au cas où celui-ci n’est pas très clair, il ne peut en revanche ni modifier, ni encore moins annuler ce jugement.

L’autorité de la chose jugée attachée au jugement servant de fondement à la saisie est en effet un principe cardinal du droit.

Mais que ce passe-t-il si l’on se rend compte, au cours de la procédure en contestation d’une saisie devant le juge de l’exécution, que le jugement définitif servant de fondement à la saisie est passé à côté d’une clause abusive qui aurait permis au débiteur soit d’être condamné à moins que ce à quoi il a été condamné, soit de ne pas être condamné du tout ?

Il est en effet tout à fait imaginable que le tribunal et le débiteur consommateur n’aient pas vu – ou n’aient pas pensé – à soulever l’existence d’une telle clause dans le cadre de la procédure principale.

Dans une telle hypothèse, le juge de l’exécution ou le débiteur sont-ils en droit de faire valoir l’absence d’effet de cette clause dans le cadre de la procédure en contestation de la saisie ?

L’on savait déjà que, sous l’influence du droit européen, les clauses abusives avaient des super pouvoirs. Ainsi par exemple, la demande tendant à voir déclarer sans effet une clause abusive est imprescriptible.

Mais dans notre hypothèse vue plus haut, la question est plus audacieuse, car il s’agit tout de même de permettre potentiellement à un juge de l’exécution de mettre à néant un jugement rendu au fond et définitif, simplement parce que le débiteur ne se rend compte qu’au stade de la contestation d’une saisie qu’il a été condamné sur la base d’une clause abusive dont il a oublié de contester la validité en temps utile !

Dans son avis du 11 juillet, la Cour de cassation fait un pas de plus vers la protection quasi absolue du consommateur, au détriment des règles classiques du droit français.

C’est ainsi qu’elle considère dans un premier temps que le juge de l’exécution ne peut ni annuler, ni modifier le jugement définitif.

Mais dans un second temps, la Cour considère que le jugement ayant appliqué la clause est « privé d’effet », de sorte que le juge de l’exécution « est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance (…). Lorsqu’il constate que le débiteur ne doit plus aucune somme, il doit ordonner la mainlevée de la mesure ».

Nous remercions la Cour de cassation, au passage, de bien vouloir nous expliquer comment un jugement peut être privé d’effet sans être modifié, car à ce stade le raisonnement de la Cour atteint les limites qui sont les nôtres…

Toujours est-il que le juge de l’exécution doit tenir compte de l’existence d’une clause abusive ayant servi de base à la condamnation définitive d’une partie, pour recalculer les sommes dues par celle-ci, voire annuler purement et simplement la décision définitive de condamnation. Pardon : priver d’effet cette décision…

La clause abusive est donc incontestablement notre super héros du droit, toutes branches du droit confondues !

Attention tout de même : ceci n’est qu’un avis de la Cour de cassation, qui mérite donc d’être réitéré dans une décision que celle-ci ne manquera pas de rendre ultérieurement.

Gilles HAMADACHE

Avocat Généraliste

Le cabinet de Maître Gilles HAMADACHE est un cabinet d'avocat généraliste basé à AGEN dans le sud-ouest. Maître HAMADACHE saura vous apporter toute son expertise et son savoir faire dans la défense de vos intérêts contre toute sorte de professionnels (banques, organismes de crédits, assurances, artisans...). A côté du droit de la consommation, de la responsabilité civile et des contrats, Maître HAMADACHE développe également une activité de conseil aux entreprises étrangères (en particulier allemandes) qui émettent le souhait de s'implanter en FRANCE.

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