Par une décision de ce jour, mercredi 13 mai 2020, la Cour de cassation vient d’ouvrir la voie à une possible inconstitutionnalité du délit de violation du confinement en vigueur en France du mois de mars au 11 mai 2020, en transmettant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.
Rappelons que ce délit constitué, selon l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique, par la verbalisation du prévenu « à plus de trois reprises dans un délai de trente jours », est tout de même passible des peines de « six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général (…) et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule ».
Une paille donc…
Le problème, c’est que ce délit est constitué par la constatation d’une succession de contraventions elles-mêmes constituées par la violation d’obligations qui ne sont pas clairement définies par la loi, en possible violation donc du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines…
Si les obligations imposées par le confinement, dont la violation est constitutive d’une contravention, ne sont pas clairement définies par la loi, alors par ricochet le délit constitué par la succession de ces contraventions sanctionne des obligations qui ne sont pas non plus clairement définies.
Tel est, en résumé, le discours de la Cour de cassation dont la formulation exacte est la suivante:
« (…) le législateur a créé un délit caractérisé par la répétition de simples verbalisations réprimant la méconnaissance d’obligations ou d’interdictions dont le contenu pourrait n’être pas défini de manière suffisamment précise dans la loi qui renvoie à un décret du Premier ministre. »
La Cour de cassation juge ainsi sérieuse la QPC posée, et la renvoie au Conseil constitutionnel.
Si seul ce dernier est compétent pour se prononcer sur l’éventuelle inconstitutionnalité d’une loi, le renvoi (relativement rare) d’une QPC au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation est à prendre très au sérieux en ce qu’il peut avoir une incidence tant sur la constitutionnalité du délit objet de la présente QPC que sur la légalité de la simple contravention pour violation des règles du confinement, puisque tant le délit que la contravention sont constitués par la violation des mêmes obligations dont la clareté est remise en cause.
Ce renvoi constitue donc le franchissement d’une étape indispensable ouvrant ainsi la voie au prononcé de l’éventuelle inconstitutionnalité de la disposition législative litigieuse.
Le Conseil constitutionnel se prononcera dans plusieurs semaines.
Affaire à suivre donc…
Gilles HAMADACHE
Bonjour Maître
Cela rejoint un peu ce qui s’est passé à Toulouse au mois d’avril ? Ou bien est-ce totalement différent ?
https://www.toulouseinfos.fr/actualites/societe/41722-toulouse-des-avocats-remettent-en-cause-la-legalite-du-confinement.html
C’est exactement ça. Plus exactement, il s’agit de l’étape supérieure, devant la cour de cassation. Prochaine étape donc: la décision du conseil constitutionnel.